Principes d’économie solidaire

PRINCIPES DE L’ÉCONOMIE SOLIDAIRE

Soin collectif, relations et responsabilité mutuelle

L’économie solidaire se fonde sur des relations de confiance, dont chaque partie reconnait et honore l’interdépendance dans le respect mutuel. Pour bâtir une économie radicalement différente, il faut pratiquer une culture tout aussi radicalement différente. Notamment, il faut apprendre à prendre soin les un·e·s des autres dans les moments de joie comme dans l’adversité, même au fil des désaccords et des conflits. S’impliquer dans le mouvement de la coopération, c’est s’engager à lutter pour la libération collective, et à apprendre à faire face aux défis et aux conflits ensemble. Ainsi, l’exclusion d’aucune personne ne sera tolérée au sein de nos organisations ou mouvements, sauf en cas de force majeure. On s’efforcera plutôt d’établir des limites saines tout en refusant que du tort soit causé à autrui. Si on veut agir en cohérence avec les valeurs du mouvement, alors les besoins collectifs et l’entraide doivent être placés au cœur de nos pratiques.

PRINCIPE : Les relations sont plus importantes que les transactions ou résultats immédiats.

PRATIQUES

  • PRATIQUE : Chaque palier de l’économie solidaire (des micro-organisations locales aux organisations régionales, nationales ou internationales) est responsable de sa propre sphère d’activités. Plutôt que de compétitionner, les organisations visent la collaboration et l’entraide. Les processus décisionnels et le travail organisationnel doivent se faire à l’échelle la plus locale possible, et chacun des paliers du travail collectif doit être relié aux autres. Par exemple, les relations entre les organisations locales, nationales et internationales doivent appuyer et éclairer le travail et les décisions prises sur le terrain local.)
  • PRATIQUE : La promotion des politiques nationales d’économie solidaire doit toujours inclure la participation des associations communautaires et militantes locales et représenter la diversité des communautés concernées. Même lorsqu’un groupe n’a pas la capacité de participer, ses membres doivent recevoir une invitation par respect pour leur relation au mouvement.
  • PRATIQUE : Quiconque investi·e d’un rôle de représentation ou de porte-parole doit agir en toute transparence et responsabilité envers les réseaux et les organisations du mouvement. Les organisations peuvent fournir des formations spécifiques à leurs membres représentant·e·s, tout en prenant soin de reconnaitre l’importance et la difficulté de leur rôle.
  • PRATIQUE : Les membres de l’économie solidaire qui interagissent avec les médias doivent s’engager à faire valoir une grande diversité d’exemples — et non pas seulement les modèles et figures les plus connues. Les gens qui ont accès à une tribune médiatique doivent profiter de cet avantage pour aider les autres, particulièrement les groupes ou personnes n’ayant pas accès à autant de visibilité.
  • PRATIQUE :PRATIQUE : Élaborer des structures de communication et de rétroaction mutuellement bénéfiques aux divers paliers du secteur de l’économie solidaire. Ces structures devraient servir à clarifier les rôles et les responsabilités de chacun·e, permettre de partager des modèles d’élaboration de politiques ou de conventions entre pairs.
  • PRATIQUE : Ralentir le rythme pour progresser ensemble de manière intentionnelle, plutôt que de donner libre cours au sentiment d’urgence opportuniste. Chaque initiative doit être menée par les premières personnes concernées, et comporter des mécanismes de gouvernance accessibles qui tiennent compte de diverses réalités matérielles ou linguistiques. Cela est important à chaque palier, particulièrement à l’échelle nationale, puisque les politiques fédérales ont le pouvoir d’impacter tous les autres groupes sur le terrain.
  • PRATIQUE : Participer à faire vivre les relations et les réseaux entre les pairs. Prioriser et encourager la participation à ces instances, quitte à y investir du temps et de l’argent. La posture anti-individualiste suppose que chaque organisation se dote d’un minimum de deux membres responsables du réseautage. Ces relations de confiance doivent s’étendre à l’ensemble des chaque organisation, de façon que les membres puissent se sentir soutenu·e·s autant par leur groupe immédiat que par leur réseau élargi.
  • PRATIQUE : Honorer le principe coopératif universel n ° 7 : « engagement envers la communauté ». Chaque décision doit tenir compte d’une perspective à court et à long terme, et offrir des retombées positives autant pour le bien commun, les générations à venir et la planète.
  • PRATIQUE :Éviter d’attaquer ou de diminuer le travail ou les outils d’autres organisations du mouvement, en misant plutôt sur la critique constructive et le dialogue. Lorsqu’une personne ou une organisation agit de manière nuisible aux objectifs communs de ses collègues et partenaires, la clé se trouve souvent dans le dialogue constructif.

PRINCIPE : Nourrir une réflexion continue sur les façons dont nos valeurs communes, notamment la transparence et la responsabilité mutuelle, s’incarnent dans nos pratiques.

PRATIQUES

  • PRATIQUE : Lorsqu’elle s’impliquait avec le Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC), Ella Baker a plaidé pour des espaces annuels dédiés à l’apaisement des tensions, aux débats de fond et aux prises de décision. Dans ces rencontres, les différences de stratégie et de tactique étaient traitées comme des sujets importants, qui nécessitaient une éducation politique et une bonne mise en contexte pour être bien compris. (Pour plus d’information à ce sujet, consultez la biographie d’Ella Baker par Barbara Ransby. [Disponible en anglais seulement].)
  • PRATIQUE : Chaque organisation doit expliciter ses ambitions de changement social et déterminer en quoi ses actions et décisions servent cette mission. (À titre d’exemple, consultez le site Mission, Theory of Change, and Financial Transparency du Sustainable Economies Law Center. [Disponible en anglais seulement].)
  • PRATIQUE : Partager nos expériences les un·e·s avec les autres, pour que tou·te·s puissent apprendre et progresser ensemble.

PRINCIPE : Étudier et honorer les traditions, les ancêtres et l’héritage des mouvements sociaux, des économies solidaires et du mouvement coopératif.

PRATIQUES

  • PRATIQUE : Honorer et maintenir l’essence de l’identité coopérative en participant à des groupes qui adhèrent aux principes coopératifs universels, en appliquent les normes et définitions légales pertinentes à leur territoire et agissent en cohérence avec valeurs et les critères généralement promus par les mouvements d’économie solidaire. 
  • PRATIQUE : Protéger le mouvement d’économie solidaire en barrant le chemin aux « faux-ops » qui se réclament de l’identité coopérative solidaire sans en respecter les principes et pratiques. Par exemple, il arrive que certaines grandes entreprises utilisent le titre de coopérative à des fins de markéting, sans toutefois intégrer les principes démocratiques de la propriété collective à leurs opérations. Lorsque certaines organisations se réclament des concepts de l’économie solidaire sans en incarner les principes et pratiques ni entretenir de liens avec ses diverses parties prenantes, elles doivent être invitées à se joindre au mouvement de manière responsable.
  • PRATIQUE : Les pratiques de soutien aux projets en démarrage font partie des traditions et de l’héritage de l’économie solidaire. Les Principes des Équitables pionniers de Rochdale, fondateurs de la tradition coopérative, préconisaient la coopération entre coopératives et encourageaient les membres de coops existantes à contribuer à la formation de nouvelles coops. Il peut arriver que les membres de certaines organisations en démarrage aspirent à l’identité coopérative, sans toutefois avoir pu accumuler l’expérience et la maturité organisationnelle nécessaires pour arriver à réellement en incarner les pratiques, ce qui provoque parfois des tensions. Dans ce type de situation, l’approche la plus bénéfique pour l’ensemble du mouvement est de favoriser la collaboration entre les organisations bien établies et les projets en démarrage, de manière à mieux soutenir leur développement.
  • PRATIQUE : Toutes les personnes ont des ancêtres qui ont pratiqué la coopération ; pourtant, il est aujourd’hui souvent difficile d’accéder à ce savoir et cet héritage. Les efforts de chaque communauté pour renouer avec ses connaissances et les traditions ancestrales d’économie solidaire doivent être appuyés et respectés et appuyés. Le partage de ce savoir de communauté à communauté représente un grand cadeau, qui se doit d’être accueilli avec honneur et gratitude. 
  • PRATIQUE : Éviter d’amalgamer les modèles les uns avec les autres, de les mettre en compétition ou encore de réclamer un modèle ou l’autre comme étant LE seul bon modèle à suivre.

PRINCIPE : Réfléchir le conflit comme une occasion de clarification et de renouvèlement.

PRATIQUES

  • PRATIQUE : Tous les groupes d’économie solidaire doivent convenir de processus de soin des conflits qui soient clairs, proactifs et efficaces pour mieux naviguer les tensions collectives ou interpersonnelles. Ces processus doivent notamment comporter un mécanisme transparent de plainte et un protocole de traitement des plaintes. Par exemple, consultez ce résumé sur la gestion des conflits entre les membres, gracieuseté de l’organisation nationale Resource Generation (disponible en anglais seulement). Le Sustainable Economies Law Center et l’association Arizmendi ont aussi publié leur Politique de gestion des conflits , ainsi que ce modèle gratuit d’analyse du profil des membres en matière de communication et de résolution de conflit Ce dernier document est destiné à être rempli individuellement lors d’un moment calme, pour être ensuite utilisé comme outil de gestion de conflit.
  • PRATIQUE : Chaque organisation doit favoriser leurs processus de soin des conflits, notamment en prenant soin d’inclure une case budgétaire à cet effet dans leur montage financier, en organisant des moments de retraite et de rencontre, en fournissant des formations aux membres, etc.  Par exemple, l’organisation Soul Fire Farm tiennentdes rencontres mensuelles de type « cartes sur table », où chacun·e reçoit des commentaires directement de ses collègues. Lorsqu’un conflit survient, les membres ont recours au protocole « Courageous Conversation », lequel est préalablement appris et pratiqué par tou·te·s lors de l’orientation annuelle des membres. Si l’une des parties impliquées dans le conflit en exprime le besoin, une tierce personne peut aussi participer à titre de témoin ou médiatrice. Le groupe s’engage collectivement à créer et maintenir des espaces de confiance et de communication non violente, où les torts commis sont abordés en tenant compte des traumatismes encourus. En cohérence avec les principes de justice transformatrice, les services d’un·e professionnel·le en médiation ou en résolution de conflit sont rendus disponibles afin de bien soutenir les besoins des membres au besoin. Les membres de la communauté sont invité·e·s à faire parvenir leurs commentaires au collectif via ce formulaire :  https://bit.ly/SFFfeedback.Cette information provient d’une publication tirée de la page Facebook du groupe Soul Fire Farm Facebook post.
  • PRATIQUE : Chaque organisation d’économie solidaire doit se doter de son propre code de conduite, auquel chaque personne doit obligatoirement adhérer afin d’obtenir et maintenir son statut de membre. Ce code de conduite doit comporter des recommandations spécifiques pour protéger les membres provenant de communautés marginalisées. 
A figure in shadow spreads their arms in a lily pond with gentle yellow ripples and stars emanating out from them. Around the pond are three evergreens and a night sky with a moon and some green flowers growing at the edge of the pond. It reads stepping into our accountability can be a moment of liberation. That's a quote from Shira Hassan.
« La transparence et la réciprocité peuvent servir d’outils de libération. » — Shira Hassan
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